TÊTE DE POIVRE

C’est une photo de classe en noir et blanc qui me fait remonter le cours du temps. Elle m’arrête à l’âge de sept ans, l’âge de l’initiation scolaire dont les réminiscences sont pour moi très marquantes. Je me souviens, dans le moindre détail, de cette institutrice qui me fâcha avec l’apprentissage d’une langue car à celle-ci je l’associerai toute ma vie…
– Que fait ton père ?
– Inspecteur de police.
La maîtresse blêmit. S’efforçant de réprimer sa frayeur, elle passa son chemin. Un pupitre plus loin, la règle toujours à la main, elle reposa la question; celle qui déciderait de mon destin.
– Que fait ton père ?…
Nous réfléchissions à la place de notre institutrice qui, elle, continuait à frapper les uns et les autres sans état d’âme, conformément à la liste des professions, arts et métiers de nos parents qu’au préalable elle avait établie.
Selon cette liste qu’elle s’exerçait à mémoriser jour après jour, elle nous repérait, puis nous reconnaissait. C’est ainsi qu’elle identifiait chaque élève à son odeur ou sa couleur, et lui octroyait ou non un sobriquet qu’elle se contentait de dénicher parmi les ingrédients de base de sa cuisine ; Safran ou Tête de poivre. Nous étions néanmoins tous ses Petits choses.